"Tout part de la matière, de sa capacité à se métamorphoser. Elle absorbe, réagit, résiste. Elle façonne un territoire mouvant, entre apparition et effacement, entre mémoire et devenir."
'Il n’y a pas d’images, mais des traces, des strates, des empreintes fragiles. Rien n’est stable : les formes organiques ou minérales émergent, se retirent. Elles rappellent une peau, une roche, un ciel, une nébuleuse. À la frontière du visible et de l’invisible, elles révèlent ce qui se dérobe.
Mes œuvres ne représentent pas le monde, elles en sont des fragments. Cartographies sensibles, elles naviguent entre microcosme et macrocosme. Un détail qui devient un territoire, un relief qui évoque un monde.
Peinture, sculpture, lumière : tout dialogue, tout fluctue. La matière hésite, vacille, se transforme. Ici, je ne cherche pas à figer une image, mais à capter un basculement. Les états transitoires. Saisir l’instant, révéler l’éphémère.
Il n’y a plus de frontières, mais un passage. Nous sommes au seuil.'
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Un peu plus de détails concernant son projet Maeve
Déesse celtique, Maeve symbolise la puissance féminine et le cycle de la vie. Elle est l’un des avatars de la « Terre-Mère », une héritière des Vénus paléolithiques. Maeve donne son nom à cette série d’oeuvres, paysages délicatement déployés entre la matière et la lumière, entre l’organique et l’artificiel.
Clara Tournay arpente les carrières de l’Est de la France, où granit et marbre sont sortis de terre pour orner les cimetières.
Elle rassemble les rebuts des marbreries : chutes, fragments irréguliers ou sous- dimensionnés, stèles à moitié polies, comme suspendues dans la mémoire double de la pierre et des vivants.
Le polycarbonate vient ensuite, lui aussi tiré de rebuts industriels, plié et modelé par ses mains.
Translucide, ondoyant, il s’enroule autour de la stèle, l’enveloppe et la traverse comme un souffle.
Le dernier geste ne lui appartient plus. C’est à la lumière qu’il revient de donner vie à la matière, d’animer la pierre et le souffle. Changeante, elle bouleverse l’oeuvre à chaque nouveau regard.
Soufflées puis thermoformées au contact de son corps, les pièces de la série Maeve adoptent des formes organiques.
Dans ces bribes de corps féminin, on retrouve les échos de « Terres- Mères » ancestrales autant que les reflets d’une goutte d’eau, le bouillonnement de la mer, les franges d’un nuage.
Tirées de l’artificiel, façonnées par mon étreinte, elles célèbrent une force vitale indomptable, douce et puissante.
Elles naviguent entre transparence cristalline et irisations métalliques, déployant un spectre chromatique allant du nacré glacé aux bleus profonds, ponctué d’éclats turquoise, jaunes et violets.
Traversées par la lumière, elles entrent en résonance avec leur environnement, habitant l’espace dans un subtil jeu de présence et d’absence. Elles projettent des ombres mouvantes aux reflets colorés, qui s’étendent alentour et métamorphosent l’espace.
La série Maeve est le fruit de trois années de recherches théoriques et techniques.
Elle incarne une longue exploration de la représentation féminine, autour du prototype mythologique de la « Terre-Mère » et de l’étude de figures archaïques lors de sa résidence à la Chapelle Saint- Antoine, en Grèce, en 2024.
À la lisière du mouvant et de l’inanimé, quand nuit et jour se confondent, Maeve passe comme un souffle.
'Everything starts with matter, its capacity for metamorphosis. It absorbs, reacts and resists. It shapes a shifting territory, between appearance and erasure, between memory and becoming.
There are no images, only traces, strata and fragile imprints. Nothing is stable: organic or mineral forms emerge, retreat. They recall a skin, a rock, a sky, a nebula. At the frontier between the visible and the invisible, they reveal what is hidden.
My works don't represent the world, they are fragments of it. Sensitive cartographies, they navigate between microcosm and macrocosm. A detail becomes a territory, a relief evokes a world.
Painting, sculpture, light: everything dialogues, everything fluctuates. Matter hesitates, vacillates, transforms. My aim here is not to freeze an image, but to capture a shift. Transitory states. Capturing the instant, revealing the ephemeral.
There are no borders, only a passage. We are at the threshold.'
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Regarding the project Maeve:
A Celtic goddess, "Maeve" symbolizes feminine power and the cycle of life. She is one of the avatars of “Mother Earth,” an heir to the Paleolithic Venuses. Maeve gives her name to this series of works, landscapes delicately unfolding between matter and light, between the organic and the artificial.
Clara Tournay roams the quarries of eastern France, where granite and marble are extracted from the earth to adorn cemeteries.
She collects the rejects from marble workshops: scraps, irregular or undersized fragments, half-polished steles, as if suspended in the dual memory of stone and living beings.
Then comes the polycarbonate, also taken from industrial waste, bent and shaped by her hands.
Translucent and undulating, it wraps around the stele, enveloping and traversing it like a breath.
The final gesture no longer belongs to her. It is up to the light to bring the material to life, to animate the stone and the breath. Ever-changing, it transforms the work with each new glance.
Blown and then thermoformed in contact with her body, the pieces in the Maeve series take on organic forms.
In these fragments of the female body, we find echoes of ancestral “Mother Earth” as well as reflections of a drop of water, the bubbling of the sea, the fringes of a cloud.
Drawn from the artificial, shaped by my embrace, they celebrate an indomitable, gentle, and powerful life force.
They navigate between crystalline transparency and metallic iridescence, displaying a chromatic spectrum ranging from icy mother-of-pearl to deep blues, punctuated with flashes of turquoise, yellow, and purple.
Traversed by light, they resonate with their environment, inhabiting the space in a subtle interplay of presence and absence.
They cast moving shadows with colorful reflections that spread around and transform the space.
The Maeve series is the result of three years of theoretical and technical research.
It embodies a long exploration of the female representation, around the mythological prototype of the “Mother Earth” and the study of archaic figures during her residency at the Chapel of Saint Anthony in Greece in 2024.
On the edge of the moving and the inanimate, when night and day merge, Maeve passes like a breath of air.
